Directrice de la rédaction de L’Obs depuis un an exactement, Cécile Prieur détaille les enjeux auxquels le média est confronté avec des ventes papier en recul constant et les défis d’une réinvention de l’offre sur les plateformes numériques.
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Pour fêter son premier anniversaire à la direction de la rédaction de L’Obs, Cécile Prieur nous a rendu visite dans « Les médias se mettent à table ». Après 23 ans passés au sein de la rédaction du Monde (de journaliste jusqu’à directrice adjointe), elle a pris les rênes d’un hebdomadaire historique et d’une nouvelle équipe. Elle raconte quels ont été ses défis et comment L’Obs aborde les doubles révolutions, numérique et climatique.
Cécile Prieur n’est pas une historique du numérique. Elle n’est ni geek ni spécialiste d’internet. Mais quand, au début des années 2010, elle prend le poste de rédactrice en chef du quotidien Le Monde, elle se met à se passionner pour les enjeux auxquels la presse papier, dont elle est un pur produit, est désormais confrontée. Elle dirigera ainsi pendant plus de cinq ans les innovations éditoriales et numériques de sa rédaction.
Aujourd’hui, à L’Obs, elle garde cette volonté d’alimenter tous les supports et les plateformes sur lesquelles elle pense qu’il y a des lecteurs à aller chercher. Instagram, TikTok, les podcasts, les vidéos… en mode “test and learn”, elle accompagne une rédaction qui a une histoire forte, mais cherche encore sa voix dans celle du XXIe siècle.
De tout cela, elle nous parle en longueur dans cet épisode, mais également de son passage d’un an aux Etats-Unis, où elle a pu observer de loin le “bocal” des médias français. Ce qui, dit-elle, “l’a aidée à mieux comprendre l’écosystème français”.
Cécile Prieur est interrogée par Philippe Couve et Marianne Rigaux de Samsa.fr, Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold de Ginkio Topics.
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Cet épisode a été enregistré le 25 novembre 2021 à la résidence Creatis et réalisé par Sylvain Pinot.
Les photos sont de Teresa Suárez Zapater.
Citations de Cécile Prieur
“Jusqu’à présent, l’investigation, c’était des investigateurs chevronnés, des loups solitaires.Il en reste évidemment quelques-uns et il en faut par ailleurs. Mais les Panama Papers nous ont permis d’initier une forme de collaboration qui était inédite, c’est-à-dire aller chercher des expertises différentes dans la rédaction. Cette coopération a créé une émulation au sein du groupe, a cassé les silos.”
“Sur les Panama papers, il y a eu des changements politiques induits par nos révélations. Ces révélations ont créé une brèche dans des milieux très cloisonnés. Une discussion s’est ouverte depuis sur le plan national et international.”
“La question de l’environnement et de la préoccupation climatique a été constante dans notre média depuis les années 70. Aujourd’hui c’est un axe majeur dans la manière dont on raconte le monde. Cette année, au moins 6 ou 7 couvertures ont été consacrées au changement climatique.”
“On a lancé récemment une démarche pour mesurer l’impact carbone de notre lectorat. Le résultat est assez contre-intuitif puisque le print est moins coûteux en termes d’émission de CO2 qu’un lecteur web.”
“Les cultures journalistiques du Monde et de L’Obs sont très proches, mais les histoires de rédaction sont vraiment très différentes. Je me suis immergée le plus possible dans l’histoire de L’Obs, une histoire très singulière dans la presse française. Et j’ai essayé de comprendre dans quelle mesure on pouvait continuer à donner sens à cette histoire et à l’inscrire dans le futur.”
“Je suis arrivée dans une rédaction qui, depuis quelques années, doutait de sa capacité à s’inscrire dans la conversation publique. Mon travail a été d’essayer de trouver quelle place L’Obs doit avoir dans l’univers des news magazines, qui lui-même a beaucoup changé ces dix dernières années.”
“Qu’est ce que c’est qu’aujourd’hui, un hebdomadaire progressiste, humaniste, écologiste, féministe ? Le management éditorial, c’est arriver à faire travailler les gens sur le sens de ce qu’on fait. Il faut remettre les énergies en route et remettre du plaisir dans le travail. Moi, je crois vraiment que le bon journalisme, c’est le journalisme qu’on fait dans le plaisir, même dans la joie, dans l’excitation de sortir des infos. C’est un travail assez compliqué, très prenant. Donc il faut que ça puisse se faire avec une certaine motivation.”
“Une des premières choses qui m’a frappée à mon arrivée : l’agilité de la rédaction. Il y a une vraie appétence pour les nouveaux usages et les nouveaux formats. L’objectif est de proposer un journalisme plus ouvert pour tous. Et ça j’y crois profondément.”
“On sait très bien que les usages se sont profondément transformés. Notre ambition, c’est de s’adresser évidemment à toutes les générations. A chaque fois qu’on fait des produits soi-disant pour les jeunes, en fait, on touche un public beaucoup plus large parce qu’évidemment, tout le monde aime bien regarder sur son smartphone trois ou quatre minutes d’une personne intelligente qui veut vous expliquer intelligemment des choses historiques ou profondes.”
“C’est assez naturel pour une rédaction qui essaye d’avoir un impact le plus large possible, d’aller sur tous les supports. On fait des essais sur Tik Tok à partir de décembre. On va chercher à déconstruire un peu la parole politique.”
“Le podcast, c’est un format que j’apprécie beaucoup. A titre personnel, j’en écoute beaucoup.On a essayé de faire – on verra si c’est un modèle qui tient – ce sont des podcasts complètement produits en interne. On a décliné nos atouts, nos verticales. On va essayer de créer des habitudes d’audition. Et puis ensuite, on verra comment on continue. On est toujours un peu en mode laboratoire. Pour nous, c’est surtout une manière d’essayer de rencontrer un public différent.”
“L’édition papier reste très importante parce qu’un hebdomadaire, ce n’est pas comme un quotidien. Et ça, je l’ai appris en arrivant à L’Obs. “
“Un hebdomadaire d’abord, c’est un objet papier qui offre un plaisir de lecture. On regarde les images, la titraille, on picore, on y revient.”
“L’Obs, en papier, c’est environ 250.000 pour 300.000 exemplaires tirés par semaine. On a un gros stock d’abonnés. Les revenus lecteurs représentent 80% de notre chiffre d’affaires.”
“Pour un hebdomadaire comme L’Obs, nous avons une acquisition de lecteurs beaucoup plus affinitaire. C’est un média de complément, un hebdomadaire, pas un média de première utilité. Donc on attire par affinité, par une communauté de valeurs.
On a un lectorat qui est très loyal, fidèle, qui parle beaucoup avec sa rédaction. Être abonné à L’Obs, c’est quelque chose. Donc on essaye de cultiver ce lien et de lui donner sens dans l’univers numérique.”
“Éditorialement, on a une rédaction qui est très en alerte sur les questions de genre ou de diversité. En termes d’organisation interne, c’est différent. La parité est au rendez-vous, à tous les niveaux de la rédaction. La diversité elle, l’est moins c’est vrai. Mais on y travaille.”
“16 500 exemplaires en moyenne en ventes kiosque (vs 40 ou 50 k il y a 10 ans) […] Notre travail en tant qu’hebdomadaire c’est de conforter ce lectorat là, avec nos abonnés, nos ventes kiosque et nos ventes numériques.”
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