[Mise à jour du 18 mai 2009: le Medialab de Sciences Po]
Les médias vont mal. Des journaux ferment leurs portes chaque mois aux Etats-Unis. La rentabilité du secteur s’effondre là-bas comme ici. C’est la « médiapocalypse » pour reprendre l’expression d’Eric Schrerer de l’AFP. Une catastrophe qu’il faudrait parvenir à transformer en « médiamorphose« . Pour cela, une nécessité s’impose: investir dans la recherche et le développement. Seulement, comme les temps sont durs, la mutualisation des moyens est une nécessité. Et pourquoi ne pas créer un laboratoire de recherche et développement au service des médias français?
Le modèle éditorial et économique des médias est en train d’exploser sous nos yeux. Les usages de l’information à l’heure du web et de l’iPhone se réinventent chaque jour. Nos adolescents et les jeunes adultes qui nous entourent n’achètent pas de journaux. Quant aux radios ou aux télés généralistes, on sait que l’age moyen de leur public tend petit à petit vers la soixantaine.
La crise économique est seulement venue hâter un processus déjà bien engagé en accélérant la dégradation des comptes de la plupart des groupes de presse. Conséquence: on coupe dans les budgets éditoriaux quand il faudrait pouvoir investir; on minimise la prise de risque quand l’époque appelle de l’audace. On meurt à petit feu quand il faudrait renaître.
Pour des raisons économiques mais aussi en raison de la sociologie des rédactions, l’expérimentation vient rarement de l’intérieur. Il n’est qu’à regarder les projets éditoriaux les plus innovants en France. Ils sont nés de la volonté de journalistes qui ont quitté leurs rédactions ou leur média d’origine: Rue89 , Arrêt sur images , Mediapart , XXI , voire Bakchich . A ce stade, seul Le Post (né au sein du Monde interactif) et 20 minutes font exception.
En janvier dernier, les états généraux de la presse écrite proposaient timidement (ultime proposition du pole 3 chargé de penser l’impact du « choc d’internet ») de « réfléchir à la création d’un laboratoire des nouveaux médias« . Depuis, rien.
Il est plus que temps aujourd’hui. Il n’est pas de semaine sans que je rencontre de jeunes journalistes enthousiastes et volontaires à l’idée d’inventer leur métier de demain. Il n’est pas de jour sans que nous arrive des Etats-Unis ou d’ailleurs le témoignage de nouvelles expérimentations en matière d’information participative, d’info hyperlocale, de data journalism (ce journalisme assisté par ordinateur), de visualisation de données. Il n’est pas un jour sans que je découvre une nouvelle manière d’accéder à l’information que ce soit en mobilité ou sur mon ordinateur.
Comment faire?
Aux Etats-Unis, le New York Times s’est doté d’un laboratoire avec des moyens sans doute hors de portée pour les médias français. De ce côté-ci de l’Atlantique, une mutualisation des moyens s’impose pour dégager les financements nécessaires.
Les énergies existent. Les compétences aussi, même si elles sont aujourd’hui éparses en France. Le champ d’expérimentation est vaste: éditorial, technique, économique, ergonomique, sociologique. Si ce laboratoire des nouveaux médias voit le jour, il devra être un creuset interdisciplinaire qui fédère l’innovation.
Pourquoi ne pas envisager que certains groupes de presse y envoient de jeunes journalistes pour une période d’un an? Pourquoi ne pas imaginer que des bourses permettent à des étudiants en journalisme d’y accomplir une 3e année de formation axée sur la recherche, le développement et la mise au point de prototypes. Pourquoi ne pas envisager que des opérateurs mettent des techniciens et des technologies à disposition. Pourquoi ne pas imaginer des partenariats avec des chercheurs spécialistes de l’économie des médias? Les dimensions marketing et publicitaire doivent également être prises en compte.
Ce laboratoire aurait pour vocation de travailler sur des projets concrets et de fédérer les initiatives de veille/recherche dans le domaine de l’évolution des médias. Les résultats des travaux seraient bien entendu reversés au bénéfice de tous. La circulation des hommes et des idées entre le laboratoire et le secteur doit permettre la dissémination des techniques et des méthodes d’innovation. Les médias ne peuvent pas demeurer le dernier secteur où l’innovation est traitée de manière artisanale.
Ce sont là quelques idées. Je les soumets à la critique et les propose à l’enrichissement. Qu’en pensez-vous?
[Mise à jour du 18 mai 2009] Sciences Po a lancé récemment un projet de Media Lab. J’étais passé à côté. Le positionnement semble être plus « media » au sens américain du terme (le téléphone et le cinéma sont des media) que « médias » au sens des médias d’information.
[Photo: redking via Flickr]