Avec les coupes claires annoncées dans les effectifs de la rédaction du Monde, c’est le coeur même de la production éditoriale qui est touché, comme le remarque Narvic:
Le plan social au journal Le Monde est un coup de tonnerre. Le groupe tranche dans ses forces vives : un quart de sa rédaction est supprimé. Comment remonter la pente après ça, et même éviter l’effondrement de la qualité de l’information produite par le journal ?
La question est éternelle, et pas seulement dans la presse: faut-il adapter les moyens aux ambitions ou adapter les ambitions aux moyens?
C’est la seconde option qui s’impose dans la presse française (mais ailleurs aussi) avec en ligne de mire des médias low cost dont on ne sait pas s’ils trouveront leur point d’équilibre économique.
Pour Eric Scherer de l’AFP, la presse menace même de rejoindre rapidement le rayon des antiquités.
@ Philippe …
Le Monde est un quotidien en crise, pour différentes raisons.
Les premières sont internes et découlent directement des évolutions que le journal a connu depuis 25 ans. Recherche permanente du scoop, abandon partiel des exigences de qualité rédactionnelle de la rédaction, culture de plus en plus grande de la proximité entre la direction du journal (et certaines plumes connues) et le monde dont elle est sensée parler. La perte d'objectivité, parfois phantasmée, est quand même bien réelle.
Les autres raisons sont externes. Le monde des médias est en pleine mutation, prend de plein fouet l'arrivée des nouvelles technologies de l'information. Comment, entre autres, continuer à garder l'intérêt pour une édition quotidienne quand on a accès désormais à l'info 24h/24 ? Comment avoir envie de payer le prix du journal quand ce qu'on y lit n'est plus radicalement original par rapport à ce qu'on lit, entend et voit ailleurs, sur le web, les quotidiens gratuits, les radios ou chaines d'infos permanentes ?
La crise du Monde est passionnante à suivre car les solutions qui seront apportées vont conditionner dans une large mesure les réponses que donneront les médias classiques au nouveau monde dans lequel ils vivent. je crains quand même que la rédaction du Monde doive faire certains choix drastiques.
Il est intéressant de suivre l'expérience de Plenel. Sa vision du monde de l'info est pertinente selon moi. L'info est et reste le domaine largement exclusif des professionnels. L'opinion est désormais l'apanage de tous et les blogueurs sont en train de tailler des croupières à certains services dans les rédactions.
Reste à savoir comment on va pouvoir architecturer tout cela. La recherche de l'info est une activité couteuse qui devra être financée par des moyens ne remettant pas en cause l'indépendance des titres. La publication des papiers d'opinion ne coute plus grand chose mais se pose le problème aigu de la qualité et du nombre.
Pour être franc, je pense qu'une partie de la solution réside dans le rapprochement entre les blogs / medias citoyens qui génèrent à peu de frais une grosse audience donc des revenus, et des rédactions de pros, couteuses mais qui alimenteront l'info et les papiers d'opinion.
La balle est dans le camp des journalistes professionnels. Leur regard sur les petits frères amateurs évoluera-t-il ou restera-t-on dans une logique d'affrontement condescendant ?
Manuel Atréide
Manuel,
Votre analyse est intéressante mais je ne la partage que sur un point: ce qui se passe au Monde est intéressant.
Pour le reste, je ne suis pas convaincu qu'il faille séparer l'info (laissée aux journalistes) et le commentaire (dévolu aux blogueurs), comme vous le faites.
Je reste persuadé que la production même de l'info va changer pour intégrer une dimension participative (dont les différentes modalités restent encore largement à inventer).
Quant aux commentaires, il est des blogueurs dont l'analyse est remarquable. Il existe aussi des journalistes dont le regard est particulièrement intéressant.
Enfin, il reste l'information service dont les médias sur le web ont oublié de se préoccuper jusqu'ici. C'est peut-être elle qui financera une partie de la production éditoriale.
La balle est aujourd'hui dans le camp de tous ceux qui veulent se pencher sur le sujet et pas seulement les journalistes.
Bien à vous
Philippe Couve