Le lancement de MediaPart semble apparemment rencontrer moins de succès qu’escompté par ses créateurs. Certes, le site n’existe pas encore (c’est pour le mois de mars) et c’est la période de pré-abonnement qui est en cours. A la fin d’un long billet, Edwy Plenel écrit:
Car, autant le dire franchement, vous n’êtes pas assez nombreux à vous être abonnés. Evidemment, et tout le monde nous le dit, s’abonner à une promesse n’a rien de spontané et beaucoup se disent qu’ils feront le saut plus tard, quand le journal en ligne verra le jour, en mars. Mais, comme nous l’expliquons dans notre nouvelle rubrique Soutenir, c’est se pré-abonner, la réussite de MediaPart suppose un socle plus consistant de pré-abonnés qui fassent, avec nous, le pari d’une nouvelle presse en ligne.
Quant à la promesse d’un journalisme participatif, malgré de longs développement sur « l’infostructure », elle semble avoir du plomb dans l’aile. Godefroy Beauvallet, membre de l’équipe (mais le site ne précise pas quel est/sera son rôle) écrit dans les commentaires de ce billet:
Il me semble logique que les journalistes ne lisent pas tous les commentaires (ils ne pourraient plus faire grand chose d’autre) et ce serait mentir que de promettre qu’ils le feront. Ce qu’il faut, c’est réussir à faire en sorte que la discussion autour d’un fait (id est les commentaires sur un article) soient des contenus intéressants pour… d’autres lecteurs/commentateurs. Et ça, c’est l’ergonomie du site, la manière de modérer, etc. (ce que j’essayais de définir sous le nom d’architexte dans mon papier) qui le permettent.
En essayant de traduire: les journalistes ont mieux à faire que de lire les commentaires, qu’on les laisse travailler et en attendant les internautes peuvent discuter entre eux. C’est un chouia caricatural comme traduction mais on ne comprend surtout pas en quoi, dès lors, le projet est participatif (ou interactif puisque le mot « participatif » est trop lié à Ségolène Royal si on lit bien Fabrice Lhomme qui vient de rejoindre l’équipe).
Pour conclure, un petit point de détail qui, à y regarder de plus près, n’en est peut-être pas un. L’auteur de ses lignes a choisi à dessein d’évoquer un site « interactif » plutôt que « participatif », adjectif sans doute plus moderne mais un peu trop associé à Ségolène Royal.
Ségolène Royal, n’avait-elle pas appelé ses contributeurs de Désirs d’avenir à soutenir Mediapart, pourtant? Je m’y perds. Peut-être que je ne suis pas le seul. Peut-être que cela explique l’attitude « wait and see » des potentiels abonnés.
Cher Philippe, merci de vous intéresser à MediaPart. Quelques petites précisions.
Nous n'avons jamais cru qu'il serait simple d'installer un modèle pour partie payant sur le web. Alors oui, bien sûr, nous aimerions avoir bien plus de pré-abonnés à MediaPart! L'accueil qui nous est réservé nous donne confiance. Nous n'avions pas lancé d'objectifs dans cette phase d'un pré-site de présentation de notre projet éditorial. Donc il n'y a pas de déception: juste la confirmation qu'il nous faudra du temps pour convaincre un lectorat avide de nouvelles informations de nous rejoindre en adhérant à MediaPart.
Nous avons parlé de site participatif, ou collaboratif, ou interactif: peu importe l'adjectif et oublions un peu Ségolène Royal et ses stratégies réelles ou supposées. A ce titre, une surprise vous attend demain sur http://www.MediaPart.fr
L'essentiel pour nous est de ne pas sombrer dans la démagogie. Il y a des savoir faire, il ya des métiers -le journalisme en est un-, il y a des spécialisations: le web n'est pas une baguette magique qui d'un coup d'un seul effacerait toutes les frontières et brouillerait tous les savoirs. Mais il est un lieu extraordinaire pour rétablir de vraies conversations, de vrais débats. C'est ce participatif de qualité -et de courtoisie- que nous voulons susciter et c'est ce lien avec des lecteurs -devenus contributeurs- que nous voulons développer.
Bien à vous. François
Bonjour
Je trouve votre article particulièrement tendancieux. Lecteur et abonné de MediaPart, je puis vous assurer que ses journalistes répondent bien aux commentaires. Vous prenez un extrait très daté et vous lui faites dire l'inverse de la réalité ("un chouia caricatural", comme vous dites).
Dommage. J'aimais bien votre travail sur Culture.
Alain.
Pardon, je voulais dire RFI.
Excusez moi
@François Bonnet,
Merci pour ces précisions. Je relève toutefois, confraternellement, une petite contradiction entre ce que dit Edwy Plenel ("vous n’êtes pas assez nombreux à vous être abonnés") et le fait que vous disiez ne pas avoir "d'objectif" (chiffré, je présume). A quoi peut bien se référer le "pas assez nombreux" dans ce cas?
Pour ce qui concerne le projet dans son ensemble, mon post ne le remet pas en cause mais tente d'identifier quelques causes de la retenue dont font preuve les internautes.
J'attends maintenant la "surprise" que vous annoncez avec impatience. Et je souhaite, que les projets journalistiques (comme MediaPart) se multiplient pour inventer la manière d'informer sur ce (toujours) nouveau média.
Bien à vous.
@ Alain
Merci pour votre intervention. Je vous laisse libre de juger du caractère tendancieux ou non de mon billet. Sur le point que vous soulevez (la réponse ou non des journalistes aux internautes), je ne fais que relever une citation d'un des membres de l'équipe de MediaPart qui ne parle pas du pré-site actuel mais du site quand il sera en régime de croisière. C'est daté, écrivez-vous. Effectivement,le commentaire est daté du 20 décembre 2007. Ce qui n'est pas si ancien.
Pour aller au delà, et c'est une difficulté à laquelle je réfléchis dans le cadre de mon activité à RFI, la question de la participation des internautes au travail des journalistes (quelle qu'en soit la forme) pose des questions de temps et de méthode.
Je crois que personne n'a trouvé aujourd'hui la bonne solution (ou les bonnes solutions). Ce qui me semble important, en tout état de cause, c'est que les internautes sachent clairement à quoi s'attendre: à être lus systématiquement ou pas; à obtenir une réponse systématiquement ou pas; etc.
Si vous avez des idées sur la question, elles sont les bienvenues.
Bien à vous.
20 décembre, si c'est daté, quand on regarde la montée en puissance de l'équipe de médiapart, le nombre de commentaires croissant et de réponses de journalistes aux commentaires, justement. C'est en cela que je trouve votre article tendancieux, en toute amitié également.
Bonjour,
Je me pose également des question sur cette "retenue dont font preuve les internautes" face au projet Mediapart, car je la partage.
La "promesse" de Mediapart ne me semble toujours pas très claire.
Je ne comprend toujours pas vraiment en quoi Mediapart entend proposer quelque chose de différent d'autres sites montés par des journalistes issus du papier (Rue89) ou de la télévision (@si).
J'ai le sentiment que l'essentiel du discours de Plenel tourne autour de la notion – certes importante- d'indépendance de la presse, mais en référence quasiment exclusive à la presse traditionnelle (presse écrite, radio, télé).
Je ne trouve pas vraiment dans ce projet de réflexion nouvelle sur le "nouveau régime" de l'information et les changements de fond du métier de journalistes entraînés par le développement d'internet.
D'ailleurs dès que l'on sort du débat critique sur la déontologie de la presse traditionnelle pour en arriver aux spécificités de la presse en ligne (la nature de l'interactivité que Mediapart entend proposer à ses lecteurs, une question que vous pointez ici, par exemple), la réponse est décevante, et laisse entrevoir une réflexion pas très aboutie…
D'autres partagent mon sentiment ?
Pour poursuivre dans l'interrogation, il est surprenant de voir afficher sur MediaPart une litanie de vidéos intitulées "pourquoi je rejoins" ou "pourquoi je soutiens".
Je comprends l'intention, mais l'effet est de donner l'image d'un site qui impose à chacun d'entrer dans une case prédéfinie.
Mais peut-être est-ce simplement une impression personnelle….
@ toutes et tous …
Je me trompe peut être mais je crois que le projet d'Edwy Plenel traduit assez bien une relative méconnaissance des spécificités du de média qu'est le web. En résumant – grossèrement – le projet Médiapart, il suffit de faire un journal sur le web comme on fait un journal papier, en intégrant un chouille de vidéo, un peu d'interactivité, bref, du multimédia.
Le projet est rapidement en porte-a-faux car le web c'est certes un peu cela, mais aussi beaucoup d'autres choses.
– le web c'est une connexion "physique" entre la rédaction et le lecteur. Avec le web, on sait si on est lu, ou pas. Et, à defaut d'être lu, on sait quand même si le "journal" a été ouvert. On le sait aussi en direct.
– le web c'est le temps réel. Pas besoin d'attendre une mise sous presse, un acheminement, une distribution. Vous écrivez, vous cliquez, c'est en ligne, c'est lu, commenté. C'est corrigé ? Mis à jour ? critiqué ? Mis en miroir avec un droit de réponse ? Vous voyez, le temps réel offre des possibilités illimitées.
– Le web c'est un milieu éminement technologique, riche, qui bouge beaucoup. La pub y est mal vue. Le paiement est mal vécu, souvent refusé, souvent combattu. Et les technologies émergent tous les jours pour outrepasser ces barrières économiques. Je ne me prononce pas là sur leur légalité, je constate leur existence. On peu avoir un navigateur qui supprime les bannières de pubs. Qui supprime les pops-ups (qui d'ailleurs n'en a pas un désormais).
Bref, un site web, ce n'est pas un journal électronique. Les lecteurs sont différents, ils ont d'autres attentes, d'autres exigences.
Je suis curieux depuis un moment sur Mediapart. Edwy Plenel, malgré l'agacement, parfois la répuslsion qu'il a pu m'inspirer, m'interesse fort. Il est en partie responsable des derives actuelles du quotidien de référence, ou supposé tel qu'est Le Monde. Il est aussi à mes yeux emblématique d'une profession en pleine mutation et qui en même temps vit sur un monde farci d'illusions.
Je lui souhaite bon vent pour son projet. Je suis assez pessimiste, mais j'espère de tout coeur qu'il réussira. Si tel était le cas, il aurait trouvé un modèle économique viable pour ce type de site, modèle économique qui reste encore à trouver.
Manuel Atréide