Dans son excellent blog, Jean Véronis, creuse le sillon de l’étude lexicale appliquée à l’actualité. En comptabilisant, durant la semaine précédant le premier tour, les citations des noms des candidats dans les fils RSS de plusieurs journaux (Les Échos, Le Figaro, L’Humanité, Libération, Le Monde, Le Parisien ainsi que le site web Marianne 2007), il en arrive à la conclusion suivante: le nombre de citations du nom des candidats dans ces médias est très proche du résultat du premier tour de l’élection présidentielle (voir le détail en pdf). Et plus proche en tout cas que les derniers sondages publiés par les différents instituts.
La convergence observée entre la place des candidats dans la presse la semaine précédant la fin officielle de la campagne et les résultats du scrutin est si forte qu’elle ne peut s’expliquer par le hasard.
Difficile d’en tirer des conclusions définitives, mais Jean Véronis lance une hypothèse.
L’hypothèse la plus plausible est sans doute celle d’une intuition collective très fine de la part des journalistes politiques, qui sont des observateurs attentifs des rapports de force en présence et de l’opinion publique. On peut donc supposer que plus ou moins consciemment, les rédactions s’auto-régulent et ajustent la «surface» consacrée à chacun des candidats pour respecter non pas l’égalité, mais une relative équité conforme à l’impact qu’elles perçoivent des différents candidats dans l’opinion publique.
Dit autrement, cela pourrait donner: l’intelligence collective des journalistes qui ont suivi la campagne éléectorale dans ces 7 médias les a conduit à accorder aux candidats un espace rédactionnel proche de leur poids politique.
A moins que le vote des électeurs ne soit directement la traduction de la place accordée à chacun des candidats… Difficile à imaginer.
Dans ces périodes de contestation répétée de la légitimité des journalistes, voici peut-être un argument chiffré qui montre que, collectivement au moins, la profession n’est pas totalement à côté de la plaque.
Deux hypothèses donc: "l'intelligence collective" des journalistes ou l'influence des journalistes sur les électeurs…
Je suis surpris que vous rejetiez d'un simple revers de la main la seconde comme "difficile à imaginer", alors qu'elle semble plutôt se baser sur une réalité concrète, maintes fois vérfiée dans d'autres domaines tels que le marketing et la publicité: l'ampleur de l'exposition d'un message aide grandement à sa diffusion.
Vous semblez donc estimer plus facile "à imaginer" l'existence d'une intelligence collective des journalistes… Mais qu'est-ce que c'est que ça une intelligence collective? Ca ressemble à quoi, ça fonctionne comment? Ca me semble bien plutôt une facilité de langage, voire une sorte de métaphore, qu'un concept sociologique opérant… Non?
Merci pour votre commentaire.
L'hypothèse d'une influence des journalistes sur le résultat de l'élection semble invalidée par l'expérience (il n'est qu'à se reporter aux résultats de la présidentielle de 2002).
Pour ce qui est de la "sagesse des foules", je vous propose de consulter l'article de wikipedia consacré à ce concept (http://fr.wikipedia.org/wiki/The_Wisdom_of_Crowds).
Quelques éléments en français ;-)
The Wisdom of Crowds, de James Surowiecki: note de lecture sur Econoclaste, en 2005 (http://econo.free.fr/scripts/notes2.php3?codenote=130)
Discussion intéressante de cette notion sur InternetActu, en juillet dernier (http://www.internetactu.net/?p=6475)
On peut surtout renvoyer à deux ouvrages importants qui développent plutôt la thèse inverse de la "folie" des foules:
– Masse et puissance, de Elias Canetti, 1960 (traduction en 1966 chez Gallimard, collection Tel).
– A l'ombre des majorités silencieuses, de Jean Baudrillard, 1978 (éditions Utopie).