Face à ce qui apparaît comme un tournant trop vite et mal négocié, la nouvelle version de USA Today pose la question de l’intérêt véritable de ce qu’il est convenu d’appeller le « grand public » pour les dispositifs de réseaux sociaux (déjà évoquée ici).
Information week revient sur les déboires de USA Today et fait état d’une étude intitulée « Modern communities » (apparemment non disponible en ligne) conduite récemment par le cabinet Gfk auprès de 1004 personnes aux Etats-Unis.
Il en ressort que le phénomène des communautés en ligne gagne du terrain mais est encore loin d’être un sujet d’intérêt pour une majorité des internautes. Différentes « communautés » sont envisagées et ont été classées en fonction du nombre d’internautes se déclarant en relation avec ces communautés.
- La famille (94%)
- Le voisinage (80%)
- Les coréligionnaires (77%)
- Ceux qui partagent le même hobby ou centre d’intérêt (69%)
- Les collègues (68%)
- […]
- Les communautés en ligne (20%)
Par ailleurs, seules 16% des personnes interrogées déclarent vouloir partager du « contenu » avec des personnes ayant les mêmes centres d’intérêt.
Il faut noter aussi que 61% des personnes interrogées déclarent ne pas être intéressées par les communautés en ligne et 18% disent qu’elles n’ont pas de temps à y consacrer.
Quels enseignements?
Dans une économie de l’attention (Attention economy), les médias doivent continuer à mettre en avant leur rôle de sélection et de hiérarchie de l’information. C’est l’une des fonctions basiques qu’attend une large partie du public.
Les fonctions « communautaires » (social networking) ne sont pas attendues par tous à l’heure actuelle et, si elles doivent être présentes sous des formes à définir, elles ne doivent pas se substituer à la fonction traditionnelle.
USA Today n’a pas su préserver le sentiment pour chacun que le site était conçu pour lui. Il a généré une impression d’exclusion vis-à-vis de nombre de ses habitués. Sur un site de média, chacun doit pouvoir s’y retrouver (à tous les sens du terme).
La création de communautés n’a de sens que si ces communautés fédèrent autour d’un objectif ou centre d’intérêt commun (c’est l’un des points du brainstorming NPR [voir ce billet] sur lequel je reviendrai bientôt, promis)
Voir également:
Le ratage USA Today sur Numabilis
Je pense qu'en effet le 2.0 n'intéresse pas grand monde (à part ceux qui s'intéresse au 2.0 bien sûr :-)
Je veux dire par là, que la majorité des gens ne s'intéresse pas forcément aux technologies (2.0) ou à la sociologie (2.0) mais à leur collection de timbre par exemple. Par conséquent ils adoptent tous les outils qui répondent à leur besoins (trouver des personnes avec qui échanger des timbres par exemple), qu'ils soient 2.0 ou pas.
C'est pour cela que je trouve que les différentes communautés de l'étude citée ne sont pas comparables :
– les membres d'une famille partage des liens… familiaux (une histoire, des ancêtres, etc),
– les voisins partagent un espace de vie, et les problèmes qui vont avec,
– les coreligionnaires partage la même religion (des valeurs, des écrits, etc),
– de même pour ceux qui partagent un hobby ont des centres d'intérêts et des références communes,
– les collègues partagent un même cadre de travail (patrons, locaux, culture d'entreprise, plan de licenciement, etc),
Mais que partagent les membres d'une communauté en ligne ? Rien, car le fait qu'elle soit en ligne n'est qu'un moyen… Par exemple, les membres d'une famille peuvent avoir des outils de communication en ligne. Il existe des sites pour tenter de regrouper les voisins d'un même quartier. Les généalogistes ont énormément de forum, de sites, de portails qui fédèrent autant de sous communautés. Les collègues forment une communauté en ligne grâce à leur intranet ou via un site d'anciens élèves.
Bien souvent les gens appartiennent à des communautés en ligne sans s'en rendre compte, parce que communauté en ligne est devenu synonyme de site de réseau social en ligne (MySpace, Linkedin, etc).
Je partage bien évidemment ce point de vue. Sa traduction pratique est qu'il faut sans doute que les outils de social networking mis en place par les médias traditionnels soient orientés autour d'un projet/centre d'intérêt clairement identifié. Sinon, la panoplie risque juste d'être jugée assez incompréhensible par une bonne partie de l'audience.
Je ne comprends toujours pas ce qui permet de dire que cette formule est un échec. Quels étaient les objectifs? Le résultats? Je doute que cela puisse se juger en quelques semaines.
Sur le fond je suis assez d'accord, on commet souvent l'erreur de confondre Web 2.0 et la caricature consistant à tout repeindre aux couleurs de Digg + blogs + nuages de tags (lesquels sont de notoriété publique totalement inefficaces). La question c'est comment intégrer la parole du lecteur tout en préservant la mission éditoriale. C'est loin d'être simple et la technologie n'y peut rien.
Le résultat c'est qu'on va assister à un retour de bâton sévère contre le web 2.0, et ce n'est pas forcément une bonne chose
@ Emmanuel
Je pense que le terme d'"échec" fait référence a un jugement émis ailleurs qu'ici.
Pour ma part, j'ai écrit "Le résultat est assez plaisant à voir, je trouve. Le seul hic, c’est que les utilisateurs habituels du site n’ont pas l’air de trouver cela à leur goût." (<a rel="nofollow" href="http://www.samsa.fr/2007/03/06/usa-today-trop-tot-trop-20/" rel="nofollow">voir premier billet sur USA Today).
J'interroge effectivement la stratégie mise en place notamment pour savoir "est-ce que pour conquérir un nouveau public USA Today accepte de perdre une partie de son ancienne audience?"
Je vous rejoins sur le fait qu'il existe un risque de jeter le deuxpointzéro avec l'eau du bain. Le principal point soulevé par cette expérience concerne la stratégie du changement. Devenus des médias de masse, les sites internet vont devoir être aussi attentifs que leurs précecesseurs à la manière dont ils gèrent l'évolution de leur offre. Bis repetita… la BBC semble conduire l'exercice avec plus de doigté (et de succès) depuis des années.
@ Emmanuel :
Vous avez raison sur le fait qu'on ne puisse pas savoir s'il s'agit d'un échec ou non. J'emploie d'ailleurs le mot "ratage" plus pour indiquer un mauvais lancement du produit qu'un échec total.
J'adhère totalement à votre remarque : "La question c’est comment intégrer la parole du lecteur tout en préservant la mission éditoriale. C’est loin d’être simple et la technologie n’y peut rien."
Le retour de bâton est à mon avis inéluctable, comme pour toute technologie (voir la hype cycle du Gartner).