L’audit que je mène auprès de l’ORTM (Office de radio-télévision du Mali) concernant son site web permet de radiographier la fracture numérique dans l’une de ces manifestations (voir billet précédent). Ici, l’enthousiasme virtuel se fracasse contre le mur des réalités concrêtes.
Les défis à surmonter sont tellement nombreux qu’il est difficile de savoir par où commencer. Par la question des moyens, peut-être. L’ORTM dispose dans ses locaux de Bamako d’une bande passante de 128 512 kb/s. Tout ça pour une vingtaine cinquantaine d’ordinateurs connectés à Internet. Autant dire que chacun doit se contenter en moyenne de 6,4 10 kb/s. Et il n’est pas fréquent que les ordinateurs soient inutilisés tellement ils sont peu nombreux. La rédaction de la télévision nationale (une vingtaine de journalistes) dispose de seulement deux postes de travails connectés à internet. La rédaction de la chaîne 2 de la radio n’en a pas plus. Rien que pour relever leurs e-mails, les journalistes (et les autres) doivent faire la queue.
Dans ce contexte, difficile d’envisager de produire un site internet. Résultat: il est fait appel à des prestataires extérieurs. Deux boîtes se sont succédé (la première était française, l’actuelle est malienne basée aux Etats-Unis) pour assurer l’hébergement, la création du site, sa maintenance ainsi que la mise en ligne des contenus. Des factures impayées ont tendu la relation avec l’ancien prestataire qui a décidé de bloquer le site (www.ortm.net) interdisant toute modification. C’est d’ailleurs la société en question qui est titulaire du nom de domaine et non l’ORTM.
Il a donc fallu créer un nouveau nom de domaine (www.ortm.ml) mais peu de choses ont changé si ce n’est le nom du prestataire. Le contrat a été signé il y a 9 mois avec lui et pourtant le site n’a toujours pas véritablement vu le jour.
Au delà de la question des moyens matériels disponibles, se pose aussi la question des compétences. Il est en effet difficile à l’ORTM de recruter des « webmasters » capables de mener à bien le lancement d’un site. Les candidats potentiels sont rares et, quand ils existent, ils sont plutôt attirés par le secteur privé, sans compter que pour la plupart des jeunes formés au Mali, l’immigration constitue souvent la ligne d’horizon. Reste donc à former les équipes déjà présentes au sein de l’ORTM. Mais là encore, le risque est grand de voir les salariés partir vers d’autres cieux une fois qu’ils ont acquis une compétence monnayable.
On peut ajouter à cela le fait que les efforts qui sont fait sont souvent désordonnés. Le matériel acheté est livré avant que les personnels n’aient pu être formés (c’est le cas pour les caméras numériques et les logiciels de montage numériques). Dans d’autres cas, des formations sont dispensées alors que le matériel n’est pas à disposition des salariés et ne le sera pas avant des mois voire des années.
Conclusion: ça ne va pas être facile. La résorption de la fracture numérique va prendre du temps et nécessiter un engagement fort et continu de la part des autorités du Mali. Difficile de ne pas y voir l’intérêt d’un pays d’une douzaine de millions d’habitants qui compte une diaspora estimée à 5 ou 6 millions de personnes à travers le monde.
Les malades au sud, les médicament au nord, l'autre fracture est donc aujourd'hui numérique. mais je crois qu'il ne faut pas être pessimiste. Dans des contrées reculées du Mali, comme ailleurs dans la sous-région, il existe des CMC (centre multimédias communautaires. Les CMC. C'est dans un même local, une radio, internet, une photocopieuse, un téléphone. A vil prix, analphabêtes, instit, et citoyens lambda viennent "déchirer" la toile. je crois au village planétaire. De la fracture numérique, on passera bientôt à la "luxation" numérique. Quand il y a "luxation", c'est quand un os quitte sa cavité. On peut le remttre en place avec un bon massage.Mais quand il y a fracture, c'est que c'est cassé. Alors un peu d'effort MM les dirigeants du sud, mais aussi du nord
La fracture est probablement en train de se combler pour ce qui concerne l'accès au web avec l'augmentation de la bande passante y compris dans les pays enclavés comme le Mali.
En revanche, pour ce qui concerne la capacité à être de véritables acteurs du Net en produisant des contenus originaux qui reflètent les points de vue de l'Afrique et la capacité à les exposer au mieux sur la Toile pour y donner un accès facile pour les internautes de la planète, il me semble qu'il reste encore beaucoup à faire et que la vraie fracture est sans doute là.
Il n'y a rien d'irrémédiable, à mon sens, dans cet état de fait. L'une des caractéristiques de la révolution en cours étant de mettre à la disposition de tous (gratuitement) des outils informatiques de qualité (logiciels libres) qui sont susceptibles de compenser l'un des handicaps traditionnels de l'Afrique: une faible capacité d'investissement financier.
Il est seulement nécessaire d'avoir de la bande passante et des ordinateurs. Pour le reste, il faut du talent, de l'intelligence et du temps passé à apprendre. Des ressources dont l'Afrique ne manque pas.